- Julien Plauchut
Une coquetterie qui peut être dangereuse !
Vous avez peut-être vous aussi dans votre cabinet des patients d’un certain âge pour ne pas dire d’un âge certain qui vous expliquent que « la canne c’est pour les vieux ! ». Ils préfèrent alors se rendre dans un magasin de sport pour s’acheter des bâtons de marche. Même si nous devons prendre en compte le choc psychologique et l’acceptation de l’apparition des premiers signes de la perte d’autonomie, le kinésithérapeute peut-il cautionner cette coquetterie ?
Une aide de marche type canne : utilité et réglage
Je suis toujours étonné par le manque de formation des étudiants kinésithérapeutes et donc des futurs professionnels sur l’utilité et le réglage des aides de marche ; laissant ce rôle aux « ergos » ou aux pharmaciens qui délivrent le dispositif. Toutefois, en tant que potentiels prescripteurs, nous devons être capable de conseiller notre patient vers l’aide la plus adaptée et en assurer l’adaptation.
Tout d’abord, afin d’aider le patient à accepter la nécessité d’une aide de marche, il est nécessaire d’informer sans faire peur au patient. Une canne peut être nécessaire transitoirement pour éviter une boiterie, soulager une douleur, améliorer la douleur responsable de la difficulté de la marche ou pour aider à remuscler. « Malheureusement », elle peut aussi s’inscrire sur le long terme mais aura pour objectif de redonner au patient une démarche plus fluide, permettre de retrouver une meilleure vitesse de marche, prévenir des chutes. « Ne vaut-il pas mieux avoir une canne que de se fracturer le col du fémur ou le poignet ? ».
Opter pour une canne réglable avec embout en caoutchouc antidérapant et poignée ergonomique.
Intérêts : la poignée ergonomique permet une position alliant force à l’appui vertical et capacité par une inclinaison radiale de faire avancer la canne. L’appui sur la loge thénar (plus confortable) avec une position neutre d’inclinaison prévient d’éventuelles douleurs articulaires tout en permettant une force suffisante pour soulager le poids du corps sur les articulations des membres inférieurs. L’embout antidérapant permettra d’utiliser la canne autant en extérieur qu’en intérieur sur des sols plus glissants.
Le bon réglage de la canne est le suivant : du côté opposé au problème, à peu près à hauteur du grand trochanter, avec une angulation de coude d’environ 40°, cela permettra à votre patient de soulager ses articulations portantes et reprendre confiance en sa capacité de marche, et peut être d’agrandir son périmètre de marche.
Les bâtons de marche n’ont pas la même fonction. Ils servent beaucoup plus à amortir et stabiliser latéralement qu’à soulager la charge reposant sur les membres inférieurs. Ceci semble logique puisqu’au départ, ce matériel est réservé aux marcheurs sportifs. Le réglage est plus haut que la canne : lors d’une position droite avec bâton latéral au pied, le coude doit former un angle droit. De plus, le bâton de marche va s’utiliser par paire et n’a donc pas pour but de déporter le centre de gravité sur le membre le plus vaillant. Alors pourquoi ne pas utiliser les bâtons de marche quand il n’y a pas de lésion latéralisée mais plutôt une fatigue articulaire généralisée ? Comme expliqué plus haut, le réglage trop haut, les poignées verticales et les embouts non adaptés au sol dur sont à risques pour les articulations des coudes et des poignets (triceps toujours sollicités car les coudes ne sont jamais verrouillés ; pour les poignets en inclinaison radiale qui sont dans une position sans stabilité articulaire et le risque de chute augmente par un appui sur un bâton qui glisse sur sol dur.
Les bâtons de marche et la canne ne s’adressent pas aux mêmes personnes et n’ont donc pas les mêmes intérêts. Une nouvelle fois, votre rôle sera de conseiller votre patient, et de l’accompagner dans l’acceptation de ce qui est le mieux pour lui. Un patient qui boite ou qui est à risque de chute n’est pas plus élégant qu’un patient avec une canne !
BIBLIOGRAPHIE
STRAUSS, Yann et MOUREY, France. Aides à la marche et personnes âgées: Étude préliminaire pour les modalités du choix. Kinésithérapie, la revue, 2011, vol. 11, no 114, p. 41-46.
ROULET, M. Guillaume. Prévention des chutes: moyens auxiliaires.
KEAST, Marja-Leena. La marche nordique: une nouvelle technique d’exercice à faible impact pour les patients en réadaptation cardiaque.
MARCHAND, Denis. SA CONDITION PHYSIQUE, LA FORCE DES BRAS ET DU HAUT DU CORPS.