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Facteurs psychologiques et douleurs chroniques : applications en masso-kinésithérapie
Dernière mise à jour : 12 juil. 2020
Impact of Psychological Factors in the Experience of Pain, S.J. Linton, W.S. Shaw, Physical therapy, volume 91, number 5, 05-11, pp. 700-711
Auteur : Laëtitia Rachel Sellem
Formatrice INFMP: www.infmp.fr
Introduction
La douleur est une expérience subjective qui est modelée par un ensemble de facteurs psychologiques et par nos expériences passées. Sans apprendre de ces expériences, il serait difficile de gérer notre douleur et de rester en bonne santé. La majorité des masseur-kinésithérapeutes sont conscients de l'importance de ces facteurs psychologiques, mais l'intégration de ces connaissances à leur pratique est difficile. Pourtant, une meilleure compréhension de ces processus pourrait nous permettre de prévenir le passage d'un épisode douloureux aigu à un trouble chronique. Cet article va se pencher sur les facteurs psychologiques influençant l'expérience de la douleur et quels sont les différents modèles théoriques de la douleur.
Processus psychologiques
Ces processus sont interconnectés et fonctionnent ensembles en tant que système : perception du signal nociceptif --> intégration cognitive --> évaluation --> interprétation --> action sur la douleur
1) Attention La douleur nécessite notre attention afin d'adopter une réaction appropriée. Cela peut être problématique s'il n'y a presque rien à faire pour soulager notre douleur (douleurs chroniques). La douleur peut de plus être considérée comme une menace et conduire à un état d'anxiété et de dépression. Cela peut conduire à un état d'hypervigilence qui va amplifier la réponse douloureuse.
2) Interprétation Elle se fait par des procédés cognitifs qui sont influencés par nos processus émotionnels (expériences passées). Il a été montré qu'essayer de supprimer les pensées en relation avec la douleur amplifiait cette douleur. Plusieurs aspects entrent en compte :
Croyances et attitudes : comment la douleur fonctionne et quelle douleur est associée à tel stimuli --> interprétation automatique. Peut être délétère si les croyances conduisent à l'arrêt de la fonction
Attentes : concernant l'intensité de la douleur et le délai de guérison selon la pathologie. Si la réalité ne correspond pas aux attentes --> impact négatif
Sets cognitifs : façons de penser pré-existantes qui peuvent être fausses --> catastrophisation (augmente la possibilité de développer des douleurs chroniques)
Régulation émotionnelle : la réaction habituelle à la douleur inclut des émotions comme la peur, l'anxiété, la colère, la frustration, la culpabilité et la dépression. L'anxiété et la dépression peuvent conduire à la chronicité
3) Stratégies de "coping"
Ce sont des stratégies automatiques pour gérer la cause de la douleur. Elles sont apprises lors de nos expériences.
4) Comportements de la douleur
La douleur pour être vue comme un ensemble de comportements (par exemple prendre un médicament, se reposer, etc.). Les pensées et émotions sont également considérées comme des comportements. La plupart de ces comportements sont appris et influencés directement par notre environnement social. Certains comportements sont bénéfiques à court terme mais délétères à long terme (repos par exemple) et peuvent conduire à une aggravation des symptômes et une chronicité.
Modèles de développement de douleurs chroniques
Modèles psychologiques de la douleur chronique
Peur-évitement : peur de la douleur --> hypervigilence et une catastrophisation --> évitement de certains mouvements --> invalidité, perte d'autonomie --> dépression Il est important d'apporter un soutien plus important à ces patients ainsi que d'augmenter leur niveau d'activité physique
Acceptation et engagement : les patients devraient diminuer leur tentatives désuètes pour contrôler ou diminuer la douleur et se concentrer sur les moyens de vivre leur vie au maximum (activités, objectifs)
Résolution de problème "mal dirigée" : notre capacité à résoudre les problèmes nous conduit à nous inquiéter sur la douleur et ses implications. Cela peut conduire à la chronicité par une hypervigilence. On peut renforcer ce modèle en applicant un traitement fondé uniquement sur la diminution des douleurs : il faut orienter les séances sur des aspects fonctionnels
Modèles psychologiques de la santé et douleur
Auto-efficacité : la gestion active de la douleur par le patient va lui apporter confiance en ses capacités et améliorer sa fonction et qualité de vie. Il faut impliquer le patient dans sa rééducation et prises de décisions
Stress-diathesis : lorsqu'un individu souffre d'un stress important ou se trouve à la limite de ses ressources, la douleur va limiter encore plus les fonctions et provoquer une détresse émotionnelle amplifiée et une chronicité. Il est important de prendre ces facteurs pré-existants en compte
Conclusion
Plusieurs recommandations émergent de ces modèles que nous pouvons appliquer lors de nos séances de masso-kinésithérapie. Premièrement, il est important d'avoir une approche centrée sur le patient : son mode de vie, environnement social et professionnel, ses attentes. On doit porter attention à l'état psychologique du patient (anxiété, dépression) qui peut le conduire à limiter sa fonction. Il faut centrer la prise en charge sur des objectifs fonctionnels et non uniquement sur la gestion de la douleur. De plus, il est essentiel de porter attention aux réponses émotionnelles et croyances du patient : la catastrophisation, la peur de la douleur et des attentes faibles concernant leur guérison sont des facteurs de chronicité.